5ème DIMANCHE DE CARÊME
HOMELIE de Père ALDO
« Nous voulons voir Jésus »
(Jean 12, 20-30)
Notre
cheminement vers Pâques se précise et va bientôt se précipiter. Déjà la Semaine
Sainte s’annonce avec son poids symbolique et nos sentiments partagés. Le
Christ nous a libérés et nous en louons Dieu mais à quel prix ? Nous
sommes inconfortables devant le déploiement de violence qui mettra à mort Jésus
et nous ne comprenons pas bien pourquoi cela était nécessaire. Dieu ne pouvait-il pas nous sauver différemment ?
Tout ce sang nous interpelle et même nous choque. On entrera alors dans le
mystère de la Passion avec humilité et confiance et dans la joie pascale avec
ferveur et bonheur. Le Christ, obéissant, devait mourir pour nous sauver et
ressusciter pour nous donner l’adoption filiale. Les deux faces d’un même
mystère de rédemption et de sanctification qui nous dépasse mais alimente notre
vie spirituelle et quotidienne. Si la mort du Christ nous donne vie, c’est
qu’il y a peut-être ici une ‘vérité’ à creuser et à accueillir avec foi et
amour. L’analogie du grain qui meurt pour donner du fruit nous aide à
entreprendre cette démarche de mourir pour vivre, de nous dépasser pour nous
élever, de chercher en nous-même cette richesse qui peut se déployer au-delà de
l’imaginable. Les forces de vie qui nous habitent ne demandent qu’à jaillir si
nous mourons pour vivre en Dieu.
1.
Mourir
pour vivre.
Il semble
qu’il y a comme une loi naturelle qui s’étale devant nos yeux. La mort ne
s’oppose pas forcement à la vie et bien des choses doivent disparaître pour
laisser émerger la vie ou pour renouveler la vie telle qu’on la connaît. La
nature nous enseigne cette réalité et la longue histoire du monde nous apprend
que grâce à des morts successives, la vie a réussi à frayer son chemin pour le
mieux et pour le bien. N’est-ce pas la même chose dans notre vie spirituelle,
dans notre vie quotidienne ? Ne doit-on pas renoncer à quelque chose pour
faire émerger la vie ou pour renouveler notre vie ? Jésus nous indique un
chemin de renoncement qui passe par la mort pour arriver à la glorification.
C’est un chemin périlleux mais nécessaire si nous voulons nous rapprocher de
lui et ainsi atteindre son Père. L’Esprit nous est donné pour nous guider.
Mourir à soi : il ne s’agit pas de se renier ou de renier l’un
ou l’autre aspect de notre vie personnelle. Il s’agit de se retrouver soi-même
dans la beauté de la création et la joie de la rédemption. Notre équilibre
personnel demande des renoncements et des sacrifices. Notre stabilité demande
de la clarté et des efforts. Notre bonheur demande d’abandonner les illusions
et les esclavages. Il n’est pas facile d’être libre ou équilibré mais il est
important de l’être. Tout notre développement affectif, psychologique ou
spirituel ne tient qu’à un fil qu’il est essentiel de maintenir en renonçant et
quelque fois en mourant à quelque chose.
Mourir au péché : il s’agit ici de reconnaître la vraie
liberté, celle donnée par le Père pour ses enfants adoptifs à la suite du Fils.
Le péché est un acte libre, certes, mais qui se trompe de bonheur ou d’objet.
Il idolâtre l’objet et oublie le Créateur. Il est plein d’illusions ou de
fausses idées quant à la vérité ou à la possibilité de vivre heureux. Il coupe
de l’essentiel ou de la source de vie pour s’engager dans des voies sans issue
ou des sables mouvants. Il nous faut renoncer aux idoles et aux illusions de
bonheur en reconnaissant la primauté de la loi d’amour sur ces lois conçues à
notre image ou selon nos intérêts. Le péché isole et rompt les liens vitaux. Il
coupe de la vie. Par l’effort d’une conscience éclairée et juste, nous pouvons
nous ouvrir à la vie.
Glorification : Trouver son équilibre humain à force d’efforts
et de renoncements, trouver sa stabilité spirituelle à force de prière et de
sacrifices, trouver la vie dans ces petites morts qui nous ouvrent à la
lumière, trouver la gloire en la victoire du Ressuscité… n’est-ce pas le
programme de toute une vie ? Le carême nous le rappelle et nous y invite.
On ne trouvera ce bonheur que dans l’amour, sachant avec humour que rien n’est
acquis sinon l’amour du Père et la joie de l’Esprit Saint reçue en Christ. Par
sa mort en croix et par sa vie toute tournée vers le Père, le Christ a reçu la
glorification qui le désigne comme le Fils. Son itinéraire est le nôtre. Le
suivre n’est pas imitation mais chemin ontologique qui établit une
anthropologie nouvelle.
2.
Obéir
pour être libre
S’il faut
mourir pour vivre, qu’en est-il de la liberté des fils de Dieu ? Nous
avons ici aussi une apparente contradiction puisque c’est dans l’obéissance
qu’on trouve la liberté véritable. On pourrait se dire que la contradiction est
insupportable et elle serait raillée par bien des penseurs contemporains à la
mode ou les mass médias qui déploient l’illusion à son maximum. Et pourtant,
c’est une autre leçon à tirer de la vie du Christ. Il a été obéissant et
obéissant jusqu’à mourir. Cette obéissance nous obtient le salut et la vie
éternelle au cœur de la Trinité Sainte.
Faire la volonté du Père : Dieu peut-il se contredire ?
Peut-il vouloir notre malheur ? Sa volonté s’oppose-t-elle à la
nôtre ? Est-il arbitraire dans ses exigences et ses lois ? Le Dieu
des Chrétiens n’est pas farfelu ou contradictoire, impulsif ou aléatoire. Sa
volonté est à la hauteur de sa nature divine, dans le respect de sa création et
le désir de nous avoir avec lui. Il n’y a pas de prédestination mais la volonté
de sauver et de recevoir en son sein l’humanité créée et aimée. Quand Jésus
fait la volonté du Père, il accueille l’exigence d’amour et la logique de
l’amour. Il se fond dans une volonté éternelle qui sourd du cœur aimant du Père
et s’active dans l’Esprit. Le carême nous aide à recevoir cette volonté comme
un chemin de bonheur et une exigence d’aimer.
Vivre de l’Esprit : Dieu déploie sa volonté suprême et nous
permet de la connaître et d’en vivre par l’Esprit Saint. Si elle était
inatteignable ou trop exigeante, elle serait inhumaine. Est-ce trop exigeant de
demander d’aimer ? L’Esprit nous est donné pour renforcer notre désir et
déployer nos énergies. Cet ‘hôte intérieur de nos âmes’ est force et puissance
en nous. Reçu au baptême et reconnu à la confirmation, il agit en nous pour
nous identifier au Fils et nous unir au Père afin de vivre en communion. Le
carême est le moment opportun pour redécouvrir cette présence discrète mais
puissante en nous, amour du Père et du Fils.
3.
Conclusion :
l’amour ouvre les yeux sur l’invisible !
Le carême est
un don de Dieu : il ouvre les yeux sur des lois naturelles et des réalités
importantes de notre équilibre humain : mourir à soi
permet à la vie d’émerger dans toute sa beauté et sa vérité.
Le carême est
un temps de joie : il ouvre à la volonté de Dieu et la découvre en
harmonie avec nos existences, dans l’exigence de l’amour et la vérité de
l’être.
Le carême est
un temps d’efforts et de sacrifice afin que la vie se libère, que les
esclavages se dissipent et que l’amour s’exprime. L’invisible se montre enfin à
nos yeux émerveillés. A.B.
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